Aujourd’hui, je vais me permettre de sortir un peu de mes thèmes de prédilections. En effet, comme membre du Comité de l’Association DuoL, une mesure du travail qui met en relation des demandeurs d’emploi de 50+ avec des Mentors bénévoles dans le cadre d’un programme de 6 mois de mentorat (www.duol.ch), je ne peux que constater qu’à l’heure où nous parlons de pénurie de main-d’œuvre, de nombreux profils qualifiés sont en recherche de poste et ne sont même pas convoqués à des entretiens. Et ce, malgré leurs excellentes qualifications. Pourtant, en tant qu’entrepreneur, lorsqu’il a fallu engager mon premier employé, je n’ai pas hésité. Il avait plus de 50 ans. Le grand avantage est qu’il a été autonome et productif dès le premier jour. Aussi, son implication dans l’entreprise était sans faille, tant il était reconnaissant d’avoir retrouvé du travail.

Nous parlons à ce jour d’environ 120’000 postes vacants sur l’ensemble de la Suisse, et ce, dans tous les domaines. Le chômage, quant à lui, enregistre des taux historiquement bas, oscillant à 2,2 %.

Si l’on se penche plus en détail sur ces chiffres, nous remarquons qu’en valeur absolue 96’000 personnes sont inscrites dans un Office régional de placement (décembre 2022) et sont actuellement en recherche active d’emploi, notamment dans la tranche d’âge des 50 ans et plus, qui représente plus de 29’000 personnes en Suisse et qui est durement touchée par le chômage longue durée (plus de 12 mois).

En fin de compte, est-ce un problème d’adéquation entre les profils au chômage et le marché de l’emploi ? Est-ce que les recruteurs font la fine bouche sur les profils recherchés ?

Le chômage des 50 +

Reprenons d’abord la problématique du chômage chez les personnes de 50 ans et plus. En effet, de nombreux articles paraissent régulièrement sur le sujet et alors que le débat sur l’augmentation de l’âge des retraites se fait entendre, il semble effectivement judicieux d’aborder cette question.

Les personnes de 50 ans et plus ne sont pas davantage touchées que les autres tranches d’âges par le chômage. Cependant, elles se trouvent dans la catégorie qui peine le plus à retrouver de l’emploi et qui tombe bien souvent dans un chômage dit « de longue durée » (plus d’un an, les 50 ans et plus représentent 54 % des chômeurs « longue durée »).

Lorsqu’elles atteignent leur fin de droit, si elles ont suffisamment d’épargne (ce qui est souvent le cas pour des personnes en fin de carrière), elles n’auront plus droit à aucun filet social et devront grignoter leurs économies avant de pouvoir prétendre à un soutien du revenu d’insertion (RI). Ceci a pour effet de les précariser avant leur retraite, ne leur permettant plus d’être autonomes dans leurs vieux jours.

De plus, il a été démontré une corrélation entre la perte d’emploi dès l’âge de 50 ans et l’apparition de problèmes de santé, ce qui met davantage de pression sur le système des assurances pour soutenir ces personnes.

Les 50 +, plus employables?

Et pourtant… les personnes de 50 ans et plus présentent de nombreux avantages sur le marché de l’emploi. Tout d’abord, elles sont fidèles et engagées dans leur poste (bien davantage que la jeune génération, plus volatile). De plus, elles apportent en général une grande expérience, des parcours riches et un réseau non négligeable. Leur âge est gage de maturité permettant une prise de hauteur et une réflexion stratégique moins impulsive et axée sur le long terme.

Quant à la digitalisation, balayons un peu l’argument selon lequel elles ne seraient pas habiles. Les débuts d’internet datent des années 1990-2000. Ainsi, les personnes de 50 ans et plus travaillent depuis plus de 25 ans avec ces technologies.

Regardons encore du côté des salaires, qui devraient être plus élevés pour les personnes de 50 ans et plus. Les charges sociales du 2e pilier s’élèvent effectivement avec l’âge de l’employé. Cependant, n’oublions pas que celles-ci se situent en moyenne à 15 % dès l’âge de 45 ans et qu’elles n’augmentent qu’à 18 % dès 55 ans. De plus, ce coût fait partie de la base de la négociation salariale et ne devrait en aucun cas être un argument limitant à compétences égales.

Le rôle à jouer du recruteur

Aujourd’hui, les systèmes de recrutement, parfois totalement digitalisés, empêchent de voir l’humain qui se cache derrière un CV. Ainsi, les algorithmes simplifient certes le travail des recruteurs, mais sont aussi un piège qui élimine de nombreux excellents profils à cause de critères filtrants rigides, voire discriminatoires.

Le schéma d’une formation unique conduisant à un seul chemin de carrière est aujourd’hui complètement obsolète. Les parcours dits « atypiques » et non linéaires sont de plus en plus une norme et sont d’ailleurs une grande richesse pour les recruteurs. Les profils possédant plusieurs cordes à leurs arcs sont plus rapides dans leur apprentissage, plus orientés initiatives et ont, en général, une meilleure vue d’ensemble, car davantage des compétences transversales.

Le recruteur décide d’embrasser une carrière dans les Ressources humaines, non pas pour considérer les gens tels des robots, mais plutôt pour cette notion « d’humanité », dans laquelle il est primordial de comprendre le profil de l’employé, soit dans sa globalité et non pas uniquement au regard de ses compétences professionnelles strictes.

Manque de temps, me direz-vous ? Dans ce cas, il est grand temps de revoir une fois de plus nos modèles d’entreprise, car, à l’heure où nous parlons de RSE, d’économie circulaire et de bien-être au travail, ne serait-ce pas justement aux professionnels des ressources humaines d’assurer ce pan ?

Remettons l’humain au centre

Ainsi, pour revenir aux questions posées en préambule : si les personnes de 50 ans et plus peinent à retrouver un emploi une fois au chômage, je pense surtout qu’il s’agit d’un manque de volonté du marché du travail et de connaissances de la plus-value des professionnels de 50 ans et plus. Le recrutement d’un employé de 50 ans ou plus présentera autant d’avantages que de désavantages que celui d’un jeune diplômé. À voir ce que requiert réellement la fonction et le cahier des charges, mais aussi l’environnement de l’entreprise, l’équipe, le style de management et les perspectives de l’organisation. En sus, une personne d’expérience amène avec elle des « soft skills » qu’un plus jeune n’aura souvent pas encore eu le temps d’accumuler. Mon expérience en tout cas encourage chacune et chacun à voir le grand potentiel des personnes d’expérience, malheureusement sur le banc du chômage suite à un aléa de la vie, et à leur redonner une place active sur le terrain. Elles sont déjà entraînées, elles n’attendent plus qu’à taper dans le ballon et à atteindre les buts de l’entreprise. Il ne s’agit pas de tendre la main, mais d’un contrat qui permettra tant à l’employeur qu’à l’employer de progresser.

Retrouvez l’article sur le blog de PME

Sources :
https://www.seco.admin.ch/dam/seco/fr/dokumente/Publikationen_Dienstleistungen/Publikationen_Formulare/Arbeit/Arbeitslosenversicherung/Die%20Lage%20auf%20dem%20Arbeitsmarkt/arbeitsmarkt_2022/alz_12_2022.pdf.download.pdf/PRESSEDOK2212_F.pdf

https://www.bfs.admin.ch/bfs/fr/home/actualites/quoi-de-neuf.assetdetail.24305961.html

https://www.bsv.admin.ch/bsv/fr/home/assurances-sociales/bv/grundlagen-und-gesetze/grundlagen/sinn-und-zweck.html