
Jean-Pierre Roland (à gauche), le mentoré », âgé de 50 ans, et son mentor, Stéphane Terrasson. Leurs séances se déroulent au cours d’un repas de midi dans un restaurant de Gland. (Image: Philippe Maeder)
Le duo se rencontre régulièrement à midi, depuis la fin du mois d’août dernier, dans un restaurant à Gland. Les deux hommes ne sont pas là juste pour partager un repas. Ils discutent de compétences à identifier et à mettre en valeur pour se présenter plus efficacement dans les entreprises. Ou encore de points d’amélioration en vue de mieux coller aux codes et au vocabulaire d’une économie en pleine révolution digitale. Le but de ces échanges, organisés par l’association DuoL dans la région de Nyon dans un premier temps, est d’aider les demandeurs d’emploi de plus de 50 ans à décrocher davantage d’entretiens avec les recruteurs.
L’un se nomme Jean-Pierre Roland, 50 ans. En juillet 2017, il a perdu son emploi de secrétaire municipal qu’il occupait depuis deux dans une petite commune de la région. Marié et père de deux enfants, conseiller communal vert libéral à Rolle, cet ancien professionnel de la finance et de l’économie dans des multinationales est toujours en quête d’emploi. «Ma conseillère ORP (Office régional de placement), à Nyon, m’aide beaucoup. Mais j’avais besoin d’une sorte de brainstorming qui ouvre mon regard. Quand l’ORP m’a
proposé d’être appuyé par un mentor, sur une base volontaire, j’ai accepté. Avec mon
mentor, nous allons plus au fond des choses. Il est toujours possible d’évoluer, même en matière de CV, un domaine où je pensais avoir tout vu», raconte le Rollois, qui fait partie d’un groupe de 10 «mentorés».
Le mentor se nomme Stéphane Terrasson, 43 ans, directeur de la logistique et des achats au garden centre Schilliger, à Gland. Il figure parmi les cinq initiateurs d’un projet né dans le cadre d’un micro- MBA en management entrepreneurial de Romandie formation. DuoL – L signifiant 50 en latin – a reçu le soutien de la Chambre vaudoise du commerce et de l’industrie (CVCI). Et du Service cantonal de l’emploi, qui a accepté de mener cette expérience pilote à l’ORP de Nyon. Stéphane Terrasson est donc en prise directe avec la vie d’une entreprise. C’est pour lui un avantage par rapport à d’autres systèmes de mentorat qui voient intervenir des retraités: «Les demandeurs d’emploi établissent une relation avec des personnes actives. Nous pouvons ainsi travailler sur les codes, les mots, le vocabulaire qui ont connu d’importants changements dans certaines branches de l’économie. C’est une approche plus
exclusive que celle des ORP qui ont une vision globale».
Concrètement, qu’est-ce que cela signifie? «Nous avons travaillé sur les compétences
d’un directeur financier. Quelles sont ses missions réelles? Il s’agit de réévaluer les
attentes dans ce domaine en allant dans les détails. Par exemple, un directeur financier ne s’occupe pas que de chiffres, il a aussi un regard sur la structure et le fonctionnement de l’entreprise», explique Stéphane Terrasson.
«Pas de jugement»
Le mentor souligne que cette relation basée sur le volontariat favorise un vrai soutien: «Il n’y a pas d’attente ni de jugement. Le mentoré a une plus grande liberté de parole que s’il adresse à un ami ou à des proches». DuoL projette de motiver, l’an prochain, 60 mentors volontaires, qui s’occuperont chacun
d’un demandeur d’emploi. Grâce à ces actifs engagés dans la lutte contre le chômage de longue durée des seniors, DuoL espère impliquer les entreprises. «Nous souhaitons favoriser une prise de conscience des employeurs. Ils ont tout intérêt à engager des collaborateurs de plus de 50 ans et à bénéficier de leur expérience et de leurs valeurs. Nos
mentors pourront infuser cet état d’esprit dans les entreprises», relève Stéphane Terrasson.
Jean-Pierre Roland a rencontré son mentor à quatre reprises. Deux ou trois séances sont encore programmées. Le «mentoré» est certain que cette expérience contribuera à une ouverture vers un emploi: «Ces rencontres provoquent une remise en question. J’ai ouvert mes yeux sur certaines de mes compétences et sur la manière de les présenter. Je vais disposer d’outils de réflexion que je pourrai utiliser ensuite. Mon dossier est meilleur qu’avant, j’en ai la certitude».
Article Emploi – 24 heures_26.12.2018